Chapitre VI

Quand elle reprit son récit après un long intervalle :

« Et maintenant je te dirai tout ce que tu voudras, fit-elle, comme si je me confessais. Si tu veux les noms, je te dirai les noms. Si tu veux les mots, je te dirai les mots. Et si j’oublie un détail, demande-le, tu le sauras.

— Comment allons-nous intituler cette histoire ?

— Histoire de tous les poils de mon cul ! fit-elle en riant.

— Tu n’en finiras jamais. Il y a de quoi remplir cent volumes.

— Ce ne sera qu’un petit résumé à l’usage des écoles primaires ! » s’écria-t-elle en riant de plus belle.

Charlotte n’était plus la même. Elle était gaie, elle avait changé de visage et si j’avais été son ami le plus intime, elle ne m’aurait pas conté sa vie avec plus de franchise et d’abandon.

« À propos d’école primaire, j’y suis allée à dix ans. Ricette est la seule de nous trois qui ait été élevée dans un “pensionnat de jeunes demoiselles” avec des petites filles du monde qui font le soir leur prière avant de se bouffer le chat.

« Moi, j’allais à l’école de mon quartier et j’étais une de celles qui se conduisaient le mieux, tu devines pourquoi. À la sortie, il y en avait qui allaient se peloter dans les terrains vagues, ou faire des saloperies avec la fille de la crémière qui voulait bien montrer ses poils à celles qui lui passaient la langue dans le cul ; ou surtout jouer avec les garçons qui se laissaient tirer la pine.

« Mais tu penses que, moi, je n’étais pas curieuse d’aller voir une pine ou une fille poilue. Et puis, maman m’attendait. La classe finissait à quatre heures et quart. Je n’avais que le temps de rentrer.

« L’année suivante, j’ai fait une première communion comme on n’en fait guère. Un ami qui montait sur moi trois fois par semaine s’est amusé à m’apprendre un catéchisme de sa composition qu’il me faisait réciter. Ce n’étaient que des ordures et il y en avait seize pages. Le matin de la cérémonie, il est venu à sept heures et il a voulu que je le suce pour que j’aie du foutre dans l’estomac… Maman disait que, dans ces conditions-là, ce n’était pas la peine de faire ma première communion ; mais il a donné cent francs et alors… Et ce n’était que le commencement. Quelle journée ! Je peux dire que c’est mon vrai début ! Tous mes amants voulaient m’avoir sous ma robe de communiante et ils voulaient tous m’enculer ! Il en est venu douze, vois-tu ça ? Ce jour-là, nous n’avons dîné qu’à neuf heures du soir. J’avais été enculée cinq fois ! cinq fois ! et j’avais sucé quatre hommes ! et les trois autres avaient déchargé je ne sais pas comment, mais ma belle robe blanche était pleine de foutre comme la jupe d’une pierreuse. Ah ! je m’en souviendrai, de ma première communion ! »

Charlotte hocha la tête avec un sourire consolé. Sa tristesse avait disparu. Elle parlait avec entrain et, comme les jeunes filles qui ne savent pas conter, elle gâta l’effet suivant en essayant de le préparer, mais cela ne fit que souligner l’ingénuité de son récit.

« Tu ne t’attends guère à ce que je vais te dire, maintenant, mais vraiment j’ai tout vu dans ma putain de vie ! Un an plus tard, je me suis fait foutre de moi par cinq gamines parce que j’étais pucelle ! »

J’avoue en effet qu’au point où nous en sommes du récit de Charlotte, si j’attendais un coup de théâtre, ce n’était pas celui-là.

« Je t’ai promis, dit-elle, l’histoire de tous les poils de mon cul. Elle ne fait que commencer. J’avais douze ans et il y avait quatre ans que j’étais putain, quand mes poils se sont mis à pousser. Ah ! ça n’a pas été long ! Au bout de six mois, j’étais poilue comme une femme.

« Tu commences à me connaître un peu. Je n’ai jamais été une de ces filles passionnées qui vous prennent la main en disant : “Je bande !” Non, je ne bande pas, mais je mouille pour rien. Quand je mouille, j’ai envie de me branler. Et quand j’ai envie de me branler, je me branle. »

Elle rit en se renversant. Sa bonne humeur la transformait.

« Donc, c’est à douze ans que j’ai pris l’habitude de me branler autant que je pisse et maintenant ce n’est pas assez dire car, aujourd’hui par exemple, je ne pisse pas si souvent que je me fais décharger.

« Maman m’a conseillé de me branler toujours quand on m’enculerait, évidemment, mais elle était contente de voir que je me branlais même devant elle, et comme je m’y prenais mal, elle a eu la patience de me l’apprendre elle-même, d’abord avec son doigt et puis avec le mien. Faut-il que je sois gourde tout de même ! Quand je pense que je n’aurais même pas su me branler toute seule si maman n’avait pas tenu ma main dans la sienne !

« En ce temps-là, j’allais toujours à l’école et nous habitions un quartier de Marseille, où il n’y avait guère de putains, mais encore moins de pucelles. Je crois que toutes les gamines de l’école baisaient : les unes avec leurs frères, les autres avec leurs pères, leurs cousins, leurs voisins… J’en connaissais une qui avait dix ans et qui se vantait de tirer plus de six coups tous les soirs, en levrette, contre une palissade, dans un chantier en construction… j’en connaissais une autre qui s’appelait Clara, maigre comme un petit squelette, on lui voyait les os des fesses et elle n’avait pas un poil. Elle a raconté devant moi, en pleurant, à une femme de quarante ans, qu’elle couchait toutes les nuits entre ses deux frères et qu’ils lui faisaient ça ensemble, tant ils étaient pressés, l’un par-devant, l’autre par-derrière, et la femme lui a répondu : “Je voudrais bien être à ta place !” Ah ! j’en ai, des souvenirs d’enfance…

« Enfin, j’étais donc un jour à l’école dans un coin du préau, avec cinq copines, et chacune racontait comment elle se branlait. Quand j’ai dit (sans parler de maman) que je me fourrais une bougie dans le cul pendant que je me frottais le bouton, elles ont trouvé ça épatant et elles m’ont invitée dans un petit jardin, chez l’une d’elles qui s’appelait Régine. On se montrerait tout, on se branlerait ensemble, on s’amuserait comme des reines. Justement, ce jour-là, maman devait sortir. J’ai suivi mes petites copines. Et alors…

« Ah ! qu’est-ce qui m’est arrivé !… II faut te dire que par-devant j’avais un de ces pucelages comme on n’en fait guère : juste de quoi passer un crayon. Les cinq ont levé leurs jupes d’abord : elles étaient toutes dépucelées ; les trois plus jeunes n’avaient pas de poils et les deux autres, un simple duvet. Quand elles ont ouvert à la fois ma touffe noire et mon pucelage, elles se sont mises à rire, mais à rire ! Un pucelage avec du poil autour, elles n’avaient jamais vu ça. Crois-tu qu’elles en ont fait une ronde autour de moi et comme les petites filles sont capables de répéter deux cents fois la même connerie, elles répétaient sans cesse : “La pucelle à barbe ! la pucelle à barbe ! la pucelle à barbe ! la pucelle à barbe !”

« J’en pleurais de rage en racontant cette scène le soir à maman ; et peu de choses ont eu plus d’importance dans ma vie, car maman trouva que mes petites copines avaient deux fois raison.

« Elle me dit d’abord que j’avais trop de poils pour mon âge. Et tu ne te figures pas ce que maman est capable de faire pour moi ! Crois-tu qu’elle a eu la patience de me raser pendant trois ans ! Ce n’était pas une petite affaire, puisque j’ai du poil partout, sous les bras, sur le ventre, sur le chat, sur les cuisses et jusque dans la raie des fesses. À quinze ans j’avais encore la motte rasée comme une sultane. Et tout le monde trouvait ça joli, aussi bien les gousses que les hommes. Je ne sais pas pourquoi on n’en fait pas autant à Ricette.

« Ensuite, quand maman a vu comme j’étais honteuse d’être encore pucelle et que toutes les petites filles se foutaient de moi pour ça, elle m’a promis de chercher quelqu’un, sachant très bien que je ne me ferais jamais dépuceler moi-même.

« Mais d’abord… est-ce que tu as déjà dépucelé des filles, toi ?

— Oui. Ça n’est pas drôle. Tu es bien gentille de ne plus l’avoir, ton pucelage, où l’on ne pouvait passer qu’un crayon.

— Ah ! Eh bien, suppose qu’on te dise : “Voilà Charlotte, elle a douze ans ; vous pouvez l’enculer dans toutes les postures ; vous pouvez jouir dans sa bouche ; elle va vous lécher le ventre, vous sucer les couilles, vous faire feuille de rose et tout ce que vous voudrez. Elle fera devant vous minette à sa maman ou bien elle l’enculera avec un godmiché, etc., et tout ça vous coûtera cent louis.” Qu’est-ce que tu dirais ?

— Je dirais que je n’aime pas les mauvaises plaisanteries.

— Alors ça ne t’étonnera pas si je l’ai attendu longtemps, mon dépuceleur et si Ricette n’a pas encore trouvé le sien.

— D’ailleurs, maman n’y tenait pas. J’apprenais à jouir par le cul ; elle était ravie. Plus je grandissais, plus j’avais de plaisir à me faire enculer. À quoi ça m’aurait-il servi de baiser ?

« J’étais donc très heureuse quand il m’a bien fallu apprendre encore quelque chose de nouveau. Devine quoi. Regarde-moi et si tu aimes ce dont il s’agit, tu trouveras tout de suite que je suis un sujet pour… pour… Tu ne devines pas ? Alors c’est que tu n’aimes pas ça… Pour la flagellation.

— Oh ! c’est qu’en effet je n’aime pas ça du tout. Et pourquoi es-tu un sujet…

— Parce que je pleure comme une fontaine et que cela fait le bonheur de ces messieurs.

— Ma pauvre Charlotte !

— Je te le dis pour la vingtième fois, tu ne sais pas ce que c’est que le métier de putain. Imagine-moi, âgée de treize ans, en tablier noir d’écolière, avec une natte dans le dos, à genoux près du lit, la robe retroussée… Je tenais mes fesses, je montre mon petit trou du cul qui sera naturellement enculé à la fin de la séance, et mon pucelage au-dessous avec sa motte rasée. Un monsieur me fouette de toutes ses forces et se met à bander parce que j’éclate en sanglots. Maman est là pour empêcher qu’on ne me tue… mais enfin tout de même… Quelles minutes !… Et c’était surtout ces jours-là que se passaient les choses dont je te parlais il y a une heure… L’homme qui me faisait ça amenait sa maîtresse, une grande bringue qui avait l’air encore plus féroce que lui. Il l’enculait sur moi, et alors, lui retirer sa pine du cul et me la faire lécher de force quand je pleurais à chaudes larmes, c’était si bon, paraît-il, qu’il jouissait malgré lui dans ma bouche, et ensuite il me reprochait de l’avoir fait décharger trop tôt, parce qu’il aurait voulu aussi enculer mon derrière fouetté et je recevais une claque si forte que… j’avais beau serrer les lèvres, le foutre en jaillissait comme le jus d’un citron.

— Ta mère permettait ça ?

— Ne dis pas de mal de maman, d’abord. Je l’ai vue fessée plus fort que moi et ça me faisait plus de mal quand c’était elle.

— Je te reconnais là. Et le monsieur était content ?

— Probable. Jamais je n’ai pleuré plus fort qu’un soir où il lui a flanqué un coup de fouet qui a fait saigner la pauvre maman depuis la lèvre du con jusqu’au milieu de la fesse. J’en ai failli avoir un coup de folie. Alors, pendant presque deux ans, maman n’a plus recommencé ! »

Charlotte rêva un instant, puis elle eut un vague sourire :

« C’est l’année où j’ai eu le plus de succès auprès des gousses. Il y a des jeunes filles qui commencent à jouir à dix-huit ou vingt ans, ou même plus tard. Moi j’ai commencé de bonne heure, et l’idée que maman avait eue de me raser faisait de moi un phénomène.

« Une gousse qui s’étend sur un lit en soixante-neuf sous une petite pucelle sans poils et qui lui fait minette et qui reçoit dans la bouche autant de foutre (et quel foutre !) qu’une nourrice peut donner de lait, tu peux croire qu’elle est excitée… Je dis “et quel foutre”. Tu sais qu’il y a deux sortes de gousses, celles qui lèchent le cul de leur bonne parce qu’il a plus de goût que celui de leur amie, et celles qui cherchent au contraire tout ce qu’il y a de plus délicat. Pour celles-ci, un pucelage sans plumes qui bave comme le con d’une gitane, elles ne se lasseraient pas d’y passer la langue.

« J’ai eu beaucoup de gousses à treize ans et, crois-tu ? je souffrais presque autant qu’à me faire fouetter. La langue m’éreinte. C’est dix fois plus qu’il n’en faut pour me faire jouir. Tu as vu tout à l’heure comment je me branlais, à peine si je me touche. Je n’ai même pas besoin de me toucher. Veux-tu que je te fasse plaisir comme ça ?

— Comment !

— Tant que tu voudras, encule-moi sans que je me branle, tu me feras jouir avec ta queue comme si tu enfilais une petite baiseuse.

— Alors, pourquoi te branles-tu ?

— Oh ! c’est meilleur tout de même. On jouit quand on veut.

— Charlotte, lui dis-je, tu viens de me répondre une énormité.

— Ça ne m’étonne pas de moi ? Je suis si conne ! » fit-elle en secouant la tête.

Et comme je la tenais affectueusement, et qu’elle se sentait en sécurité dans mes bras, elle me dit avec un rire qui la renversa tout entière :

« Si “L’Histoire des Poils de mon Cul” pouvait avoir cent volumes, alors combien en faudrait-il pour “L’Histoire de mes Conneries” ?

— Mais quelle rage as-tu de t’injurier ?

— Explique-moi ce que j’ai dit d’énorme.

— Tu prétends que je connais pas ton métier de putain ? Et je te réponds que tu ne connais pas ton métier d’amoureuse. »

La phrase était si claire que Charlotte la comprit.

« Amoureuse ? fit-elle en se penchant sur moi. Mais tu n’entends donc rien à tout ce que je te raconte ? Amoureuse de qui ? Amoureuse du cochon qui vient m’enculer trois fois par semaine et qui me fait avaler son foutre avant ma première communion ? Amoureuse de la vache qui a cinquante ans, qui est six fois grand-mère et qui frotte son cul sur ma petite figure ? Amoureuse du fou qui me chie sur le corps pendant que maman le suce ? Amoureuse du bandit qui me force à voir comment il fouette le con de ma mère, le con d’où je suis née, et qui fouette ce con jusqu’au sang. Mais je ne sais comment te le crier : les putains comme les pucelles n’ont qu’un amour qui les console ; elles ne sont amoureuses que de leur petit doigt. »

Après un frisson, elle se ressaisit.

« Tu m’en fais dire plus que je n’en pense. Je n’ai pas le droit de les traiter de cochons, de vaches et de bandits, tous ces gens. Ils ne m’ont pas violée… ce que je voudrais te faire comprendre… c’est que plus on est putain et plus on est vierge. »

Cette fois, je lui pris le visage dans mes deux mains, et les yeux sur les yeux je lui répondis :

« C’est le plus beau mot que tu pouvais me dire. »

Qui ne le penserait ? Et ce mot-là, c’était Charlotte, corps et âme. Ses bons yeux me regardèrent sans rien pénétrer de ma pensée intime :

« Pourquoi me fais-tu des compliments sur tout ? Mes cheveux, mes yeux, mes seins, mes poils… Ça ne vaut pas cent sous, mon chéri. Va au bordel, tu trouveras mieux. Mes fesses… tu as fait le bonheur de ma nuit quand tu m’as dit que j’avais de jolies fesses ; c’est évidemment ce que j’ai de mieux. Mais ne te fous pas de Charlotte ; n’admire pas les mots qu’elle dit…

— Les mots qu’elle dit, ce sont les sentiments qu’elle éprouve.

— C’est aussi que les putains parlent avec leur cœur, comme les jeunes filles du monde parlent avec leur con. »

La phrase était dite sans effet, comme une vérité bien connue ; mais je ne répondis rien ; j’étais humilié. Charlotte se croyait sans aucun esprit, et chacune de ses répliques était plus intéressante que les miennes. J’avais (comme sans doute ma lectrice) plus de plaisir à l’écouter qu’à l’interrompre, et j’attendais la suite de son récit quand elle s’écria, stupéfaite :

« Comment, tu bandes encore ?

— C’est de ta faute.

— Qu’est-ce que j’ai fait pour ça ?

— Tu m’as montré ces cheveux, ces yeux, ces seins, qui ne valent pas cent sous, dis-tu. On trouve mieux au bordel, n’est-ce pas ?

— Et c’est moi qui te fais bander, sans que je te touche ?

— Je le crains ! Je m’en plaindrai à ta mère.

— Et qu’est-ce que tu veux que nous…

— Je ne veux rien.

— Tu plaisantes ! mais cela me donne envie !

— Prends patience. Fais comme moi ! Je ne suis pas pressé.

— Alors, moi toute seule, laisse-moi faire, laisse-moi.

— Non, mademoiselle, je vous défends de vous livrer à l’onanisme sur mon lit. Les moralistes et les médecins…

— Je les emmerde. Je mouille, j’ai envie de me branler et quand j’ai…

— Et quand tu as envie de te branler, tu te branles. Je connais la phrase. Eh bien ! tu ne te branleras pas jusqu’à trois heures du matin.

— Près d’un jeune homme qui bande entre mes cuisses et jusqu’au milieu de mon cul ? Tu ne veux pas que ça m’excite ?

— Au contraire, je le veux. Ton récit n’en sera que plus animé. »


« Ne me défie pas, dit-elle. Je suis toujours lasse et molle parce que je me fais jouir autant de fois que l’envie m’en prend. Tu ne me reconnaîtras plus si tu me forces d’attendre, je vais te dire des saloperies idiotes, que je regretterai. Es-tu méchant de m’exciter jusque-là ! »

Une main sur les yeux, l’autre à mon épaule, elle geignit et répéta :

« Oui, des saloperies ! c’est tout ce que je peux te dire, à cheval sur une queue aussi raide et pendant que tu me tiens les bras.

« Et puis, je m’en fous ! Tu le sais, que je suis une salope, que je suis la dernière des dernières, la putain que tout le monde encule, qui suce la queue de n’importe qui et qui tète la pine des chiens quand on veut ; c’est le même prix.

— Charlotte !

— Je m’en fous ; tu le sais, que j’ai tout fait avec les hommes et les femmes, les garçons et les petites filles ; j’ai bu du foutre d’âne, du foutre de cheval ; j’ai tout fait ! j’ai mâché des étrons de putains ! Tu le sais bien que depuis ma naissance je vis dans le foutre et dans la merde.

— Tu deviens folle !

— Dans le foutre et dans la merde ! pleura-t-elle. Même chez toi. Ta queue sortait de mon derrière quand je l’ai sucée.

— Mais c’est toi-même qui…

— Et je te dégoûte puisque tu bandes contre mon cul sans vouloir de moi, quand je me mouille la cuisse jusqu’au genou.

— Enfin…

— Faut-il… Faut-il que je te dégoûte puisque tu ne veux même pas me chier dans la bouche quand je t’ai dit trois fois que… que… »

Elle éclata en sanglots. À un pareil accès de démence il n’y avait qu’un remède, c’était de baiser promptement Charlotte ou plutôt de l’enculer puisqu’elle le préférait. Faire jouir les femmes pour les faire taire est un principe connu de toute antiquité.


Malheureusement, si le désir l’avait poussée à « dire des saloperies » comme elle m’en avait prévenu, ces mêmes saloperies avaient refroidi le désir qu’elle m’inspirait. Certaines réciproques en amour ne sont pas vraies. D’ailleurs, Charlotte semblait trop égarée pour savoir ce que je faisais ou ce que je ne faisais pas. Elle pleurait et elle se branlait. Ne pouvant arrêter ses larmes, j’avais renoncé aussi à retenir sa main. Quand elle eut compris que je la laissais faire, elle cessa de pleurer, leva les yeux et me dit beaucoup plus bas, mais sans changer de langage :

« Dis-moi toi-même que je suis une salope.

— Non.

— Si, ça me fait plaisir. »

Je comprenais enfin. Elle me parlait très bas, en tremblant de la tête aux pieds.

« Appelle-moi putain pendant que je me branle pour toi. Putain et pierreuse et garce ! Dis que tu m’enculeras pour quat’ sous, tu veux ? Tu me fourreras ta queue par le trou du cul jusqu’au fond, jusqu’au fond ! Tu m’enculeras pendant une demi-heure en me limant de toutes tes forces et tu me donneras quat’ sous après. Si tu ne veux pas jouir dans mon cul, je te sucerai. Je voudrais toujours avoir la bouche pleine de ton foutre. Pas seulement la bouche, mais tout le corps. Je te branlerai sur ma figure. Mais qu’est-ce qu’il faut que je te dise pour que tu m’appelles salope ? Je retiens mon doigt, je me touche à peine. Appelle-moi putain et salope et vache. Dis que tu me pisseras sur les nichons et que tu me chieras dans la gueule ! Dis-le pendant que je décharge, que tu me feras manger ta merde ! Dis-le donc ! Dis-le ! Dis-le ! »


Elle s’évanouit à demi et ne rouvrit les yeux qu’après un long silence. Son premier mot fut :

« Je suis toquée ! »

Puis, voyant que je ne disais rien pour la démentir, elle reprit :

« Tu vas avoir une belle opinion de moi… Et c’est de ta faute… Non, c’est de la mienne. Tu ne pouvais pas savoir.

— Qu’est-ce que j’ai fait ?

— Maman dit toujours : “Charlotte, quand elle a envie de se branler, si elle se retient cinq minutes elle devient maboule.” Tu m’as retenue…

— Je ne le ferai plus.

— Est-ce sûr ?… C’est drôle pour un homme, n’est-ce pas, une fille qui ne peut pas s’empêcher de dire des saloperies quand elle est en chaleur ? »

Je pris Charlotte dans mes bras et, parlant à voix basse et tenant sa tête de telle façon qu’elle ne fut pas forcée de me regarder :

« C’est maintenant, lui dis-je, que tu vas me faire ta confession. Ou plutôt je la ferai pour toi et tu me répondras oui ou non. Veux-tu ?

— Oui. Non seulement tu aime à faire jouir un homme, mais tu aimes être à ses pieds, à son ordre, quelque chose comme esclave ?

— Sa putain.

— C’est moins qu’une esclave ?

— Oui. Les esclaves, on les viole ; mais moi…

— Et une chose qui t’excite dans les bras d’un homme, c’est…

— C’est de me dire que je suis la dernière des salopes ; qu’il n’y a pas de plus bas métier pour une fille que d’offrir son trou du cul et sa bouche à tout ce que les hommes veulent en faire. Oui, je te l’ai dit malgré moi tout à l’heure ; mais je t’en supplie à genoux, dis-moi que j’ai raison ! Comprends donc que je me tuerais si cela ne m’excitait pas un peu ! Et au lieu de me consoler, injurie-moi. Allons… Voyons… »

Elle souriait sans insister sur le tragique de ses dernières phrases. Elle souriait de plus en plus. Elle avait l’air de jouer.

« Sois gentil. Fais que je l’aime, mon métier de putain. Je ne me branle plus, tu vois, je suis calme, j’ai fini de jouir. Mais maintenant que tu sais mes goûts, je te les répète. Traite-moi de salope, de vache et de garce. Dis que je me fais enculer comme une fille de bordel, comme une bohémienne derrière sa roulotte. Appelle-moi putain, allons ? Dis putain, putain, putain. Quel homme entêté ! il ne dira rien ! »

Toujours souriante, et pour me défier par une taquinerie impatiente, elle insista :

« Et dans ma bouche ? dis-le, ce que tu feras dans ma putain de bouche. Tu peux le faire… J’en ai envie… Je voudrais être traitée comme ça par un homme que j’aime… et que tu m’en remplisses la bouche… Dis-le, ce que je te demande. Tu me… ? Tu me… ? Mais tu es une mule ! »

Je lui répondis simplement :

« Si tu continuais ton histoire ?

— Ah ! maintenant que tu sais tout sur mon caractère ! dit-elle en riant. Et puis flûte ! tant pis ! je me fous de moi. Je suis toute nue, je ne te cache rien. »