Chapitre XIII

Lili n’en croyait pas ses oreilles :

« Quelle séance, non ? Ricette qui suce ! Maman qui baise ! Et un dépucelage à la fin ! On n’en ferait pas autant devant le roi d’Angleterre !

— Est-ce rare, ça, “maman qui baise” ? répéta gaiement Teresa.

— Je te crois ! dit la gosseline. T’as même pas baisé pour me faire ! »

La réponse était juste, prompte et dite sur un ton assez drôle, mais le fou rire qui l’accueillit fut hors de toute proportion avec la valeur du mot. Charlotte, qui larmoyait depuis une heure, eut un accès d’hilarité coupé de gémissements comme si elle souffrait plus de rire que de pleurer. Teresa poussa des cris et se retint à elle pour ne pas tomber. « Soutiens-moi, Fabian ! » Ricette elle-même… Le rire est contagieux. Ricette éclata la dernière. Et Lili resta seule à rire modérément de sa repartie. Aussi commençai-je de croire qu’elle serait un jour sans peine la plus spirituelle des quatre.

Ricette, ex-pensionnaire pour qui l’arithmétique n’avait plus de secrets, lança des chiffres et, par la science des nombres, nous ramena aux questions sérieuses :

« Maman est enculée en moyenne trois fois par jour. Ça fait onze cents fois par an.

— Et le pouce ? dit Charlotte.

— Et les godmichés ! dit Lili.

— Et les nuits comme celle de Noël dernier, où elle l’a fait dix-huit fois.

— Je dis : en moyenne onze cents fois par an. Elle a commencé à huit ans ; elle en a trente-six. J’ai compté. Ça fait plus de trente mille enculades.

— Trente mille ! s’écrièrent-elles ensemble.

— Et elle baise une fois par an ou à peu près.

— Oh ! je n’ai pas baisé trente fois dans ma vie entière ! déclara Teresa. La dernière nuit où ça m’est arrivé, c’était quand, Charlotte ? C’était l’autre été, au mois de juin ? Ah ! tu peux le dire, fit-elle en se tournant vers moi. Je suis presque aussi pucelle que Mauricette. Charlotte est comme moi. Il n’y a que Lili qui baise dans la maison.

— Maman, maman, maman ! dit Ricette impatiente. Est-ce que nous commençons ? »

Le consentement qu’elle obtint ne suspendit ni ses pensées ni ses paroles. Elle semblait soucieuse. Elle ne se couchait pas. Abandonnant l’arithmétique pour s’attacher à un curieux problème d’érotologie, elle regarda sérieusement sa mère, et dit :

« Pouvons-nous ?… Je ne suis pas fâchée de savoir si c’est possible, mon programme. Faire minette sous une femme qu’on encule, ça n’est déjà pas commode ; mais sous une femme qui baise, surtout si on la dépucelle… Jamais ta langue ne me touchera le bouton.

— Je ne l’ai jamais fait, dit Charlotte ; mais on baise si peu, ici.

— Moi je le ferais ! dit Lili.

— Oh ! toi, tu es disloquée. »

Teresa prit un temps, comme une institutrice qui cherche une formule d’enseignement accessible au cerveau d’une adolescente, et répondit sans se hâter :

« Combien de fois t’ai-je dit que les positions, c’est l’affaire des femmes, ça ne regarde ni les hommes ni les gousses. Alors, dans la posture que nous allons prendre, c’est à la femme de dessus à se placer comme il faut. Ce n’est pas la langue de dessous qui pourra lui chercher le bouton si elle creuse le ventre et si elle fait le gros dos.

— Crois-tu que je saurai ce que je fiche, à ce moment-là ?

— Allons ! Allons ! Regarde d’abord comment je m’y prends et quand ce sera ton tour, je saurai bien te guider. »


L’obscénité avec laquelle Teresa ouvrait sa croupe en levrette m’était déjà bien connue. Levrette est vraiment trop peu dire. Le mot d’ourse conviendrait mieux. Elle n’était que poils par-derrière. Comme elle avait les fesses très belles et les cuisses fort bien dessinées, on n’osait lui faire mentalement le reproche d’être plus velue qu’une autre femme, et, n’eût été l’impudence de sa posture, on se serait figuré que, plutôt, elle imposait son esthétique.

Malgré la réserve et la modestie de mes exercices amoureux comme de mon langage, mes scrupules de moraliste ne vont pas jusqu’à m’interdire de baiser une mère sur sa fille et de déflorer ensuite la fille sur la mère. Je ne l’ai fait qu’une fois, mais je le recommencerai volontiers si l’occasion s’en présente. Parlerai-je pour un instant à la jeune fille qui tient ce livre et lui dirai-je, comme eût dit Mauricette : « Je ne vous choque pas, mademoiselle ? Si votre mère a trente-six ans, si elle est belle, si vous l’aimez assez pour lui faire ce que vous faites à vos petites amies, vous comprendrez la scène suivante. Et si vous êtes une ingrate, si vous n’avez jamais donné, du bout de la langue, un frisson de plaisir aux chairs qui souffrirent tant pour vous mettre au monde, rougissez de vous et non de ce que vous lisez. »

J’acceptais donc Teresa sur Mauricette et même sous elle. Son rôle ne me paraissait vraiment ni superflu ni désagréable.

Mais deux rôles que j’eusse coupés si j’avais inventé cette histoire, c’étaient ceux de Lili et de Charlotte. Elles ne servaient à rien ; Charlotte me troublait par son émotion, Lili, par son petit rire et, toutes deux ensemble, par leur bavardage, leur curiosité, leurs conseils ou simplement par leur présence. Je les aurais voulues au diable pour un quart d’heure.

Dessinons tout d’abord le groupe tel qu’il se forma.

Ricette couchée sur le dos, Teresa enjamba son visage et, tête-bêche avec sa fille, elle s’offrit à moi dans la posture ouverte que j’ai décrite un peu plus haut.

Le saphisme double et simultané n’est pas apprécié de toutes les lesbiennes. L’homme qui baise peut seul donner la volupté en goûtant la sienne sans perdre la tête. Aux approches du plaisir, la femme est incapable de diriger le spasme qu’elle voudrait donner en échange. Aussi, de deux amies qui se placent tête-bêche, il n’y en a qu’une qui jouit ; mais, comme le cœur des femmes damnées est semblable au cœur des saintes, la lesbienne qui fait jouir et qui ne reçoit rien est la plus heureuse des deux.

Une autre nuit, et dans une telle posture, la langue de Teresa eût mis en une minute Mauricette hors de combat. Cette fois, rien ne pressait, tout au contraire. Teresa ne donna que de vagues baisers et laissa Ricette en pleine possession de ses facultés actives.

J’attendis…

La petite écartait des deux mains les poils et les lèvres ; elle relevait la tête avec effort, précipitait et appuyait sa langue autant que possible pour hâter le moment où elle me dirait… car ce fut elle-même qui me dit :

« Viens, maintenant. »

Les larges gouttes de pluie qui annoncent l’orage commençaient à pleuvoir sur les joues de Mauricette. Quand je me présentai, Lili ne put se retenir de répéter tout bas :

« Oh ! maman qui baise ! »

Je m’introduisis facilement, ne craignant qu’une chose : que la fougue de Teresa ne me laissât pas maître de moi. Mais Teresa n’oublia pas un instant qu’elle n’était pas là pour s’amuser et qu’elle se faisait maîtresse de postures.

Aussi donna-t-elle le pas à la pédagogie sur le divertissement. Le tout dans son style ordinaire :

« Tiens, ma gosse ! Regarde comme je te le donne ! L’as-tu, mon bouton ? L’as-tu ? Tu vois bien que les couilles ne te gênent pas et que ta langue me touche. Tout à l’heure tu feras comme moi, tu iras au-devant de ma langue et tu ne bougeras pas, m’entends-tu ? Si je ne me retenais, en ce moment, je donnerais des coups de cul partout et je perdrais ta langue comme je voudrais. J’ai une envie de décharger qui me coupe le derrière en quatre et une salope de queue qui se trompe de trou… qui me baise… Mais tiens, tu vas voir si je ne suis pas foutue de jouir sans bouger… »

En effet, elle resta frémissante et à peu près immobile. Mauricette fut inondée. Moi aussi ; mais je pus me retirer sans avoir perdu ce qui était nécessaire à la seconde partie du programme.

Cela est assez curieux : cette seconde partie intéressa tout le monde plus que moi et mit les quatre femmes dans un état d’excitation que je ne pus atteindre, moi qui étais pourtant le mieux partagé.

Charlotte et Lili se pressaient pour voir, parlaient sans cesse et devenaient bien importunes.

Mauricette, pourpre et agitée, s’essuyait le visage que sa mère avait trempé, mais non pas de larmes. Elle était doublement émue, étant deux fois débutante par l’acte qu’elle allait tenter de réussir et par le spectacle qu’elle en donnait.

« J’ai le trac et j’ai envie de jouir, dit-elle ; j’ai peur de rater.

— Au contraire, dit Teresa ; plus tu auras envie de jouir et mieux tu réussiras. Pour te regarder, je ne peux pas te faire minette ; mais veux-tu que je te branle ?

— Oui, maman.

— Et, si tu veux m’en croire, laisse-toi foutre en chaleur, petite sauvagesse, avec un peu de moutarde par le trou du cul.

— Oh ! fit Ricette en levant les yeux au ciel. Je serai folle… Alors, ne me branle pas. Touche-moi seulement… Ne me fais pas jouir avant lui surtout !… Tu me branleras quand je te ferai signe… »

Elle tourna sur elle-même et, pendant que sa mère quittait la pièce, elle se jeta tendrement dans les bras de sa sœur aînée, avec un : « Oh ! Charlotte ! Charlotte ! » qui semblait lui demander toute son indulgence et son encouragement. Tout cela et le reste, Charlotte l’eut donné pour rien. Mais Ricette voulut le mériter. Après un baiser langue à langue, elle lui dit :

« Ma Charlotte ! un petit peu de ton foutre à toi aussi ! »

Et jetant sa sœur sur le divan, elle lui fourra les lèvres entre les cuisses.

« Ben vrai ! dit Lili. Quand tu auras tous ces foutres-là dans la bouche, ça finira par faire un gosse ! »

Mais, cette fois, je fus le seul à rire. Teresa qui rentrait et ses deux autres filles étaient beaucoup trop excitées pour changer de visage.

Et ce qu’avait accepté Mauricette fut réellement accompli. Elle-même debout se pencha en avant, creusa les reins, ouvrit les fesses et se laissa faire ce que font avant les courses les éleveurs aux taureaux de combat. Je ne sais quelle moutarde poivrée Teresa lui mit dans l’anus, mais Ricette en eut de violentes secousses et, touchant du doigt ce qui la brûlait, se passant l’autre main sur le front, elle gémit :

« Pourquoi m’as-tu fait ça ? maintenant j’ai envie qu’il m’encule !

— Pas de moutarde, fit Teresa.

— Alors, toi, ou Charlotte ! un godmiché au moins. Ah que j’ai peur de jouir !

— Mais suce-le donc tout de suite ! Qu’est-ce que tu attends ? »

Mauricette se précipita et, sur le point de commencer, me dit de sa voix la plus ardente :

« Tu m’enculeras tout de même, dis, cette nuit ? avant de me dépuceler ?… J’enlèverai la moutarde, tu ne sentiras rien… Ah ! mais c’est du feu qu’elle m’a mis dans le cul ! Ah ! que j’ai envie d’une queue par là !… Qu’est-ce qu’on me fait maintenant ?… Ah ! c’est toi ? »

Sa mère lui avait introduit un godmiché qu’elle tenait simplement à la main. Ricette se souleva. Je ne pus voir si elle se sentait soulagée ou irritée davantage, mais elle cria :

« Je n’avais pas besoin de ça pour l’aimer, ton foutre ! Je n’avais rien dans le cul, hier, quand tu m’as joui dans la bouche ! Dis-le à maman !… Et fais-m’en boire encore ! Vite ! J’ai soif ! J’en veux ! »

Elle me prit avec tant de voracité que je sentis ses dents plus que ses lèvres. Je ne voulus pas le lui dire devant la jeune Lili qui se serait moquée de son inexpérience, mais je hâtai mon plaisir et je n’oubliai pas de l’avertir à temps.

Mauricette, écarlate, réussit brillamment ce petit travail qu’elle exécutait pour la première fois en présence de sa famille et qui était pour elle, selon le mot de Lili, « beaucoup plus épatant que de se faire dépuceler ». Elle donna malheureusement une seconde preuve de son inexpérience en voulant, par excès de zèle, prolonger cet exercice au-delà de ce que mes nerfs pouvaient supporter. Mais alors, la pauvre petite ne savait plus du tout ce qu’elle faisait. Teresa, qui ne la quittait pas du doigt, avait réglé, retenu, puis lâché le spasme de sa chair aussitôt après le mien, et la débutante égarée, presque évanouie un instant, eut à peine conscience du succès que lui firent sa mère et ses sœurs.

Avec un faible sourire, elle ouvrit la bouche pour que l’on vît bien qu’elle avait tout absorbé ; puis elle retomba épuisée dans mes bras.

Lili, si nue et mince et glabre, se croisa les bras devant Teresa, vêtue de poils, qui portait ses tétons sombres comme des bijoux orientaux. Ce contraste de nudités était pour moi sans précédent, même en art, en littérature… C’était Tsilla devant Hérodiade ou bien sainte Espérance devant Théodora, qui ne se sont point rencontrées.

Et Lili, prenant un air de résignation comique, soupira :

« Sommes-nous cocues, hein, maman ? Elle vient nous sucer notre amoureux sous le nez et elle ne nous rend pas une goutte de foutre !

— Attends ! j’en aurai au second coup.

— T’en auras ? Je te félicite. Mais moi je peux me brosser la fente et regarder si mes poils poussent. »

Les métaphores de Lili étaient souvent personnelles, mais elles valaient mieux encore par l’aisance qu’elle savait donner à leur improvisation.

Or Teresa possédait ses filles corps et âme, comme eût dit un romantique. Devinant leurs pensées aussi bien que leurs désirs, elle sentit que Lili agaçait Mauricette et qu’à son âge, elle était incapable de comprendre l’état de sa sœur.

Ici encore, les plus hautes autorités philosophiques résolvent la question sans débat et presque dans les mêmes termes, car les théoriciens se dérobent entre eux non seulement leurs idées, mais l’expression d’icelles. « Une jeune courtisane impubère qui s’exerce au coït anal est excusable de méconnaître le double égarement physique et moral qu’éprouve une adolescente nubile la nuit où elle ouvre les cuisses pour offrir sa virginité. » Telle est la vieille formule d’Erasme, tant de fois copiée depuis et qu’on retrouve dans tous les manuels.

Teresa n’avait que deux moyens de faire taire Lili ou de clore l’incident. Elle lui en donna le choix :

« Veux-tu te coucher, insecte ! Sais-tu l’heure qu’il est ? »

Ici, Lili fit un geste… Oh ! je ne conseille pas à mes jeunes lectrices de répondre ainsi à leurs parents ! Elle tourna le dos, présenta les fesses et ouvrit la main comme pour un pied de nez, en se fourrant le pouce dans le derrière.

Teresa lui donna de la main deux claques sonores au même endroit, puis l’enleva dans ses bras toute légère, se la frotta sur les seins, la fit rire et lui dit :

« Tu ne vas pas te coucher ? Tu veux voir dépuceler Mauricette ? Eh bien ! fais-nous des intermèdes, va te costumer. On t’attendra. »

Si putain qu’elle fût, la petite Lili était trop naïve pour comprendre qu’on voulait se débarrasser d’elle. D’un saut joyeux, elle quitta la chambre…

Teresa nous sourit, à Ricette et à moi. Puis elle se retourna… Elle regarda Charlotte… et la scène qu’elle fit me fut plus pénible peut-être que celle dont j’avais toujours les accents dans l’oreille et que Ricette en fureur lui avait infligée. Que se passa-t-il dans son esprit ? Je ne sais. Par un sentiment plus humain que maternel eut-elle besoin de rendre à l’une de ses filles les injures qu’une autre lui avait dites ? Ou s’énervait-elle plus que nous tous au « programme » de Mauricette ? Elle éclata. Elle cria, dès le premier mot :

« La salope ! elle se branle encore !

— Oh ! maman ! dit Charlotte. Tu baises, tu jouis ; Ricette apprend à sucer ; tu la fais jouir, tu lui fourres de la moutarde et un godmiché dans le derrière ; je vois tout ça, je n’ai personne, et tu ne veux pas que je jouisse après vous ?

— Après nous ? Mais tu l’as fait avant ! Ricette a eu un godmiché dans le derrière ? Toi, tu t’en es planté deux ! par les deux trous ! Parce que tu n’as que deux trous ! Si tu avais cinquante trous dans le cul, il te faudrait cinquante godmichés tous les quarts d’heure, salope ! »

Charlotte cessa. Elle ne pleura point et ne répondit plus ; mais elle reposa son coude sur son genou et son front dans sa main : attitude de l’accablement.

Je souffrais plus qu’elle, oui, plus qu’elle, de ce que j’entendais ; et je compris d’un mot quand, au mouvement que je fis pour me lever, Ricette me retint des deux bras et me dit à l’oreille :

« Tais-toi donc, ça l’excite. »

Mais j’étais debout malgré ce geste et, de la main, du regard, j’arrêtai la scène.

Teresa me fit taire à mon tour, sans prolonger pourtant ce que j’avais tant de peine à entendre.

« Dis-le donc, dis-le toi-même devant ta sœur qui est pucelle. Qu’est-ce que tu es ?

— Une pauvre putain.

— Pourquoi es-tu à poil comme une fille de bordel ? Est-ce que tu n’es pas au-dessous des filles de bordel ?

— Oh si ! Elles ne font pas ce que je fais !

— Alors, va donc avec Lili. Mets ton costume de pierreuse et reviens. On te parlera.

— Moi aussi ! » cria Mauricette.

Je ne comprenais plus. Mais pendant que Charlotte sortait, lente et triste à son habitude, Ricette m’entraîna de toutes ses forces au fond de la chambre et me dit, la bouche en avant :

« Ha ! qu’est-ce que maman m’a fourré dans le cul ? C’est du feu ! Je suis enragée ! Je vais faire ma toilette et je reviens pour toi, mais il faut, il faut ! il faut que tu m’encules ! Tu me dépucelleras plus tard. Je vais revenir avec Charlotte, nous ferons vite une scène ; joue ton rôle, appelle-la putain et prends-moi. T’as compris ? »

Singulière constatation : plus je les connaissais, moins je les comprenais, cette femme et ses trois filles.

Restée seule avec moi, Teresa vint me parler. Je crus qu’elle allait m’expliquer mon rôle, mais elle avait bien autre chose en tête.

« Lili a raison, dit-elle. Jouir dans la bouche de Mauricette, c’est plus épatant que de la dépuceler. Quel foutre est-ce que tu as pour qu’elle l’avale si bien ? »

Du corps et des lèvres, Teresa devenait plus pressante encore que de la voix, et, comme elle était loin de refroidir mes sens, je répondis en l’embrassant :

« Demande à tes filles. Elles en ont bu toutes les trois.

— Quelle bouche aimes-tu le mieux ?

— La tienne. »

Et je ne mentais pas. Je la préférais d’avance comme si je l’avais éprouvée. Teresa pourtant eut un sursaut à cette réponse. Je craignais à tout instant de voir la porte s’ouvrir, et, surtout pour ne pas continuer sur ce ton, mais aussi pour l’interroger en quelques mots, je lui dis rapidement :

« Qu’est-ce qui va se passer ? Qu’est-ce qu’elles font ?

— Je m’en fous ! dit Teresa en me donnant ses lèvres. »

Cela tournait court. Je la ramenai au sujet d’un ton suppliant. Après une minute de silence où je craignais tout le temps un de ces crescendos que j’ai plusieurs fois décrits déjà, elle retint sa voix au contraire et me répondit, mais de si près que j’avais ses cheveux sur le visage :

« Ce n’est qu’un jeu. Ça lui fait plaisir. Elle aime ce rôle-là. Tu la connais bien.

— Qui ?

— Ma Charlotte, fit-elle tendrement. Je ne vois pas ce qu’elles font toutes les deux, mais je le sais. Charlotte se costume en fille de trottoir, et Mauricette en autre chose. Elles sont aussi gosses l’une que l’autre. Elles font des comédies, même quand elles sont toutes seules, et, puisque tu es là, joue avec elles, quoi ! »

Puis, se montant, elle ajouta :

« Je les ai assez foutues à poil dans ton lit, mes filles ! Si tu ne connais pas leurs caractères ! Si tu ne sais pas ce qu’il faut leur dire ! … »

Mais elles rentraient, toutes les trois dans de singuliers accoutrements.