Préface

Le roman qui suit ces deux mots de présentation se serait fort bien passé de préface. Il vaut, en effet, par lui-même, et ce ne sont point les commentaires qui lui donneraient des vertus, si, par malencontre, il en manquait. Toutefois il n’en manque point, comme on le verra.

Mais il n’est toutefois pas absolument vain de dire ici quelques petites choses touchant la clef de l’histoire qu’on va lire. Ce sera d’ailleurs une sorte de petit roman préalable.

Les aventures érotiques de Mademoiselle Louise de Bescé ont comme auteur un écrivain contemporain, qui s’adonna tout à fait par hasard à des écrits de littérature audacieuse, voire même plus qu’audacieuse. Et le lecteur ne s’en plaindra point.

Mais ce n’est pas tout : on pourrait peut-être croire que ce livre est tout imaginaire et de pure littérature. Cela, certes, ne lui enlèverait rien. Pourtant, ce lui apportera un charme de plus et un divertissement, je dirai même une richesse nouvelle, que de révéler en quoi les aventures érotiques de Mademoiselle Louise de Bescé sont un livre fait sur documents, une pièce en quelque sorte historique et, de ce chef, une oeuvre de vérité.

On nous demandera comment nous savons cela. C’est que nous avons en mains le dossier du roman. Il comporte des lettres écrites par la jeune et charmante personne qui a vécu ces aventures, des récits, explications et comptes rendus de conversations avec elle, qui ne laissent, en vérité, aucun doute. L’auteur se contenta de donner le sceau de son talent et de soumettre à un plan classique une série de confidences authentiques, relatives à des circonstances vécues par une jeune fille du monde qui, au surplus, se les rappelait sans nulle amertume, si pénibles qu’elles pussent çà et là nous paraître.

Je dois cependant le dire si nous savons que le nom de Mademoiselle Louise de Bescé cache une jeune femme que nous avons peut-être rencontrée dans le monde ou dans un casino, sur un champ de courses ou dans un salon littéraire, la signataire du livre ne nous a pas laissé la possibilité directe de savoir de qui exactement il s’agit. Nous devons donc recourir aux hypothèses, aux recoupements, aux recherches à la façon de Sherlock Holmes, pour deviner l’identité du gracieux et peu prude personnage en question.

Même deviné, en sus, il serait vraisemblablement difficile d’imprimer le nom de l’héroïne.

Nous n’en voulons pas moins aider les chercheurs à comprendre l’attrayant secret.

Bien entendu, le nom de Louise de Bescé est inventé. Il se pourrait toutefois qu’il mît sur la trace du nom réel. C’est ainsi que le prénom ancestral, Timoléon, devenu nom patronymique sous une forme raccourcie, pour les aînés de famille, est rare en France. Nous n’avons guère trouvé que huit familles dans ce cas. Nous laisserons, ceci dit, les amateurs d’archives suivre cette trace.

Ensuite, il y a une question de blason. Nous n’avons pas de raisons de supposer que l’auteur ait tout inventé dans les armoiries de la Maison dont elle se réclame. C’est ainsi que les faucons encapuchonnés sont rares comme supports d’un écu. Passons ! … N’insistons pas…

Il y a autre chose d’important, c’est la comparaison des dates, pour divers faits contrôlables, avec certains événements racontés par Louise de Bescé.

Il y a, en effet, deux morts graves dans ce roman. Celle d’un gros marchand de produits pharmaceutiques, et celle d’un important banquier. On verra les circonstances de ces étranges disparitions. En tout cas, une étude portant sur les six années précédant celle que nous vivons, met en présence de deux décès notables, correspondant à ceux du grand banquier Blottsberg et du pharmacien Khoku.

Et une fois cette référence contrôlée, on se trouvera certainement en mesure d’identifier l’aimable personne qui collabora de son mieux à ces morts « érotiques », si nous osons dire, car le pseudonyme qu’elle portait eut alors un rien de célébrité.

Nous pensons en avoir assez dit pour que les curieux qui ne se satisfont point de la simple lecture puissent y ajouter quelques révélations piquantes et authentiques. L’héroïne même n’a pas tout dit sur ce qui lui advint durant qu’elle vivait d’elle-même, et la lecture des journaux à scandales du temps ajoute quelques fleurons à sa gloire.

Il serait peut-être intéressant encore d’étudier psychologiquement les personnages du roman et d’extraire de ce drame étrange et souvent amusant ce que l’on nomme une morale. Il est trop certain que les adolescentes, comme l’était Louise de Bescé, sont exposées à Paris — et ailleurs — aux mille embûches de la lubricité masculine.

Beaucoup, d’ailleurs, et comme elle fit, s’en tirent fort bien et sans en garder trop mauvais souvenir. Il est même probable que leurs époux, lorsqu’elles ont la chance de finir aussi bien que la toute exquise Louise, trouvent quelque satisfaction dans l’éducation sexuelle acquise par celle qui leur vint très déniaisée. Nous supposons d’abord, bien entendu, que ce ne soient point là de ces sots qui jalousent leur ombre et gâtent l’amour par des exclusives ridicules, à la façon du More de Venise.

Au demeurant, il nous semble, nous le disons nettement, que la civilisation soit avant tout une perfection et une libération des rapports amoureux. Il ne nous viendra cependant point à l’esprit de placer ici un couplet métaphysique sur les bases de la sociologie, de l’éthique et de l’érotisme.

L’auteur n’avait que la prétention de distraire et d’intéresser le lecteur. Il a fait, par surcroît, oeuvre littéraire. C’est assez pour que ce roman très libertin conserve une place de choix dans l’Enfer des bibliophiles lettrés, de ceux qui ne dédaignent pas de lire les livres qu’ils ont achetés.

L’Éditeur.